A propos du camp de Rroms et de roumains rue truillot à Ivry sur seine

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Classé dans : Articles Mots clés : Rroms

Chronologie des faits

Ivry-sur-Seine, 06 février 2011, entre 06 et 07 heures du matin : un campement occupé par 120 personnes, des Rroms et des roumains, a été sujet à un violent incendie faisant un mort. L’origine de l’incendie est inconnue et nous n’avons aucune information sur l’état d’avancement de l’enquête, si tant est qu’il y en ait une.

Les familles ont été relogées par la mairie au cours de la journée dans le gymnase Joliot-Curie ; elles y sont restées huit jours. Signalons qu’avant l’intervention de bénévoles, la mairie les mettait dehors au petit matin et fermait le gymnase.

Tôt dans la matinée du 15 février, ils se sont installés sur un terrain en friche, rue Truillot, appartenant à l’AP-HP (Assistance Publique–Hôpitaux de Paris) et donc sous la juridiction de la préfecture, en accord avec la mairie communiste d’Ivry, qui leur a promis de fermer les yeux pour l’occupation de ce terrain tout en leur refusant ses nombreux terrains vides.

Le chef du campement s’exprime

Situation extrêmement précaire : un avenir entre les mains des autorités

On peut lire dans le 20 minutes du 16 février 2011 : 120 Roms ont investi dans la nuit de lundi à mardi ces anciens terrains horticoles, puis une déclaration du cabinet du maire PCF Pierre Gosnat : La situation ne pouvait plus durer. Ils préparaient leur arrivée sur le terrain vague depuis quelques jours et faisaient des repérages en journée. En ne communiquant pas sur le rôle qu’elle a jouée, la mairie semble chercher à jouer sur deux terrains. En encourageant les gens à l’occuper, la mairie leur fait un cadeau empoisonné puisqu’appartenant à l’AP-HP, ils sont aisément expulsables par la préfecture. Une procédure d’expulsion a d’ores et déjà été demandée par l’AP-HP, mais pas encore engagée (c’est-à dire qu’ils se sont pour l’instant simplement soustraits de toute responsabilité légale en cas de problème ou accident pouvant survenir sur le terrain).

Il y a de toute évidence là derrière des enjeux de politique politicienne que nous ne maîtrisons absolument pas (ce qui n’est pas en soit le problème bien sûr, le problème étant que ce soit les habitants du campement qui ne maîtrisent pas leur situation).

Traitement par les médias

Revenons-en à l’article de 20 minutes (seul média qui soit venu sur le camp), plus particulièrement sur quelques marques d’un certain mépris. Il est écrit par exemple qu’un travailleur social aurait défini le groupe comme structuré mais qui peut parfois avoir des comportements un peu violent. Or le travailleur social en question nous le connaissons, et les comportements un peu violents dont il a parlé sont avant tout des tensions issues du fait que les Rroms et les roumains aient passé une semaine dans un gymnase (après, il faut le répéter, que leur campement ait brûlé et qu’il y ait eu un mort). Nous doutons fortement que 120 journalistes puissent passer une semaine dans un gymnase sans qu’aucune tension n’apparaisse. Le journaliste a selon nous interprété à sa façon (méprisante) les propos du travailleur social. De plus, quand un journaliste affirme qu’une personne ou un groupe est enclin à la violence, il est tenu d’avoir un minimum d’arguments, sinon son travail ne consiste qu’a répandre de fausses rumeurs.

Plus bas, là où le cabinet de la mairie souligne et le travailleur social confie, un occupant du camp lâche des informations. Ainsi le journaliste nous lâche-t-il son mépris pour cette population. Et en fin d’article : difficile de croire que les Roms puissent rester sur ce terrain : ça doit en effet être difficile pour lui de s’imaginer que des gens puissent rester vivre en des lieux que lui traverse simplement comme touriste pour écrire ses articles, constamment pressé par sa montre (20 minutes correspond peut-être au temps maximum que prennent les journalistes pour leurs reportages).

Malheureusement l’exemple cité ici n’est pas unique ; il ne fait que mettre en lumière une fois de plus les normes du journalisme actuel : aucune vérification des données, mépris pour les personnes à propos desquelles on écrit, primauté de la rapidité des enquêtes plutôt que recherche de la vérité, ... Si on peut mettre le travail bâclé sur le dos des contraintes économiques que leur imposent leurs employeurs, cela ne doit pas pour autant excuser les attitudes si souvent méprisantes des journalistes envers l’ensemble des couches sociales démunies (que ce soit du mépris ouvert ou du paternalisme).

Situation tendue avec le voisinage

Une crainte que nous avions était la réaction du voisinage par rapport à l’installation du camp, situé en face des cités Gagarine et Truillot. Crainte justifiée quelques jours plus tard : une pétition a été lancée en faveur de l’expulsion des habitants du campement par les copropriétaire de l’immeuble lui faisant face, prétextant notamment qu’ils auraient cassé des voitures à proximité. Or les signataires de cette pétition devraient être au courant que les voitures étaient cassées bien avant l’arrivée des Rroms et des roumains ; il semble donc que n’importe quel prétexte soit bon à satisfaire leur mépris.

Sur les positions des organisations de soutient

Venons-en au dernier point que nous voulons aborder : une lettre a récemment été envoyée aux habitants voisins des Rroms et roumains par les organisations (politiques et associatives) prenant le camp en charge dans le but de clarifier la situation. Alors que nous éprouvons une certaine méfiance envers toute action se limitant à la charité (noble façon d’évacuer l’idée de justice sociale !) et refusons le monopole de la solidarité par les associations humanitaires ou les gouvernements, ce courrier démontre de façon claire et limpide que le mépris n’est pas réservé aux ennemis officiels des Rroms et des roumains, et qu’ils sont en outre un excellent moyen de se faire de la publicité (nous avons choisi de commenter la première version qui a été approuvée par toutes les organisations à l’exception de Romeurope 94 et surtout des habitants sans étiquette, comme ils sont nommée dans le courrier).

Voyons d’abord comment ces organisations parlent d’elles-mêmes :

[un certain nombre d’organisations] ont décidé de leur porter secours, parce que ces organisations considèrent que cette aide d’urgence relève du devoir d’humanité. On peut remarquer au passage qu’ils sont à peu près les mêmes qui se mobilisent chaque fois qu’une catastrophe se produit (tremblement de terre en Haïti, tsunami en Asie, ...). Simplement cette fois, c’est dans notre ville que le sinistre s’est produit. Cette lettre est donc l’occasion de se faire de l’auto-promotion et de vanter les mérites de ces associations philanthropes qui dénigrent l’entraide au sein de la population (ces mêmes voisins sans étiquette) pour vanter leur merveilleux travail néo colonial, euh, pardon, humanitaire, dans les zones de crises.

La fin du texte contient un autre passage de cet ordre : Une attitude humaine de solidarité, qui est celle choisie par les organisations signataires de la lettre. C’est bien sûr une question de philosophie de la vie et l’on ne peut pas exiger de tous d’adhérer à la Déclaration des Droits de l’Homme. ... sans commentaires.

Voyons maintenant comment le texte anticipe les réticences des habitants, et répond aux interrogations dans les règles de l’art de l’acceptabilité sociale.

Quels problèmes de voisinage cela risque-t-il de poser ? Le premier est esthétique (...) il faut reconnaître que c’est laid (...) cela peut même s’avérer déprimant et pénible. Oh, pauvre de vous qui souffrez de désagréments esthétiques (le terrain en friche devait ressembler à un Van Gogh avant l’installation des Rroms et des roumains) quand d’autres, ceux à la source de cette terrible offense, n’ont pas d’opportunité de travail, donc pas d’argent, quand la moitié d’entre eux est gravement malade, quand ils dorment dans des tentes en plein hiver, quand à bon nombre on n’accorde même pas de papiers, ... !

Ils sont plus souvent dehors que dedans (! !!) Encore une agression esthétique, si encore ils restaient enfermés dans leurs tentes ...

(...) les détériorations susceptibles d’affecter vos biens. Elles constituent une réalité de la vie quotidienne et il y a fort à parier que la présence des Roms ne fera guère varier le phénomène (...) Que faire ? Deux attitudes sont possibles : 1. Le rejet en bloc de ce groupe d’humains mais cela risque d’entraîner de la part des Roms un phénomène analogue. C’est alors que vous aurez à craindre pour vos biens.

Voilà un passage des réflexions apportées par un bénévole sur le camp en réponse à ces points :

Ce passage va conforter ceux qui se méprennent sur les Rroms ; c’est eux qui se font dépouiller de leurs biens à chaque descente de police et qui perdent tout. Les connaissant, le voisinage n’a rien à craindre de ses biens même en cas de rejet massif ; ils marqueront leur incompréhension, se résigneront sans doute face à l’ordre institué, la loi du plus fort.

Il est intéressant de voir comment la logique du bouc-émissaire a changé de camp. On n’accuse plus les jeunes de la cité Gagarine mais les Rroms ; les logiques de l’exclusion ont décidément la peau dure entre les établis qui stigmatisent et les marginaux qui subissent.

Le courrier tend à créer un sentiment de menace et de pression sur les habitants, que l’on invite à se solidariser avec les habitants du camp non parce qu’ils sont des laissés-pour-compte du système capitaliste, méprisés et stigmatisés par le gouvernement Français, mais bien par peur de voir ses biens abimés. On présuppose les Rroms et les roumains comme enclins à la violence, même si elle ne serait qu’une réponse, alors qu’à notre connaissance, vivant déjà dans un climat de rejet et de mépris, rien ne va en ce sens ; et si tant est qu’il y ait des preuves concrètes d’une quelconque attitude hostile, nous maintenons qu’il est tout à fait absurde et injustifié de vouloir expulser ou sanctionner d’une quelconque manière l’ensemble d’un camp pour l’attitude de tel ou tel individu en particulier. De la même façon, on ne sanctionne pas tous les résidents d’un immeuble lorsque l’un d’entre eux commet un délit.

Les évènements en cours rappellent que nous ne devons surtout pas nous limiter aux Droits de l’Homme comme le font les organisations de charité, mais continuer à lutter pour la justice sociale (c’est-à-dire le droit a une vie décente pour tous), l’abolition de la propriété privée, le droit à l’autodétermination, la sortie de la société sécuritaire, la lutte contre la xénophobie, le droit à un travail pour tous (tout en repensant bien sûr radicalement la notion de travail), ...

Nous voulons enfin faire part de notre admiration quant à la dignité et les capacités de solidarité que les habitants du camp préservent dans des conditions matérielles extrêmement difficiles, c’est le moins que l’on puisse dire, et face au racisme ou simplement au mépris dû à leur pauvreté qui s’exprime autant chez bon nombre de leurs voisins que chez leurs soit-disant soutients.

Nous compléterons cet article ultérieurement en fonction de l’évolution de la situation.

Cordialement,

Richard Damellon

http://paris.indymedia.org/spip.php?article6014

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